Il y a pas de titre, chef.

Il fait nuit. Je suis installée dans la méridienne de mon canapé. Je suis sous un plaid, les genoux repliés. Il y a eu une fuite sur le toit, des tuiles ont dû s’échapper avec le vent. J’entends ce goutte à goutte contre lequel je ne peux rien faire. Il fait très calme. L’appartement est sombre. Un dragon rouge laisse s’échapper des ombres, disséminées sur les murs par une ampoule trop forte. Celle qui éclairait mon livre et à présent mon ordinateur est détournée. Elle était trop forte, elle aussi.

Je termine un livre dont l’univers ne permettait pas de faire autre chose que de plonger dedans, laissant sur le carreau toute autre forme de vie et d’activité. Le chat a apprécié rester ces quelques heures contre moi, la tête reposant sur mon ventre, profitant de ce rythme au ralenti qui lui convient, faut-il encore l’admettre, fort bien.

Je sais que d’ici peu de temps, je vais descendre de deux étages. Aller manger du fromage, rire, raconter, jouer, s’enlacer. Ce moment entre deux autres me semble soudain si précieux. J’apprécie la fin d’un livre bouleversant et le calme qui règne dans l’appartement est dramatiquement déroutant. Il fait froid, j’enfonce un peu plus mes pieds dans le plaid. Ce calme me déstabilise. Cela fait plusieurs jours qu’il me déstabilise. Je me surprends à ne plus vouloir vivre dans l’immédiateté qui rythme ma vie, tout en étant déroutée quand elle s’éloigne. Je ne dois plus être en état d’alerte, j’ai le droit de reposer mon esprit. J’ai désinstallé des applications. J’ai ralenti mon rythme. J’ai respiré un peu plus profondément. J’ai pleuré aussi, beaucoup. J’ai commencé à ressentir davantage le quotidien dans tous ses petits détails… à le vivre plus intensément, en parfaite conscience de la place de mes pieds, de mes mots, de mes gestes et de mes pensées.

Cette vie au ralenti bouleverse tout. J’ai l’impression qu’en partageant des choses, ici et ailleurs, j’en perds les sensations immédiates. Je lis, j’écoute, je vis, je pense en réfléchissant déjà à ce que j’écrirai à ce sujet, peu de temps après. Et puis, j’ai trouvé des excuses. De ne pas écrire, de ne pas dire, de perdre du temps, de ne pas voir ton mail, de ne plus écrire de cartes.

Je serais stupide de ne pas entendre ce que mon environnement, mon cœur, mon corps, (mon psy) et mes pensées dictent en ce moment. Je dois trouver le courage de revivre à nouveau les choses pleinement, sans crainte. Sans porte de sortie. Juste les vivre. Déposer mon ancre quelque part. Réapprivoiser la vie, dans toute sa complexité. Je n’ai pas besoin d’un miroir, je n’ai pas besoin d’un regard, je n’ai pas besoin d’être lue, vue, entendue. Je veux ne pas en avoir besoin. J’ai besoin de vivre.

Je vais aller manger ce fromage. Je profite encore de ce chat qui ronronne contre moi, de la fraicheur de l’appartement et de la chaleur réconfortante du plaid qui me recouvre. De ce goutte à goutte contre lequel je ne ferai rien. De ces caisses de déménagement à préparer. Pour une autre vie, autre chose, autrement. J’ai peur, mais je sais déjà que ça en vaudra la peine.

Ces mots sont maladroits. Probablement parce qu’ils cherchent à expliquer quelque chose qui ne s’explique pas. À bientôt !