Cahier de vacances

Il y a @pikatchoune qui est partie en vacances. Et en fait, elle a drôlement bien fait de nous le raconter. Contribution externe avec du voyage dedans, du livre, de l'alcool et presque une agence de tourisme pour t'aider à décider à propos de tes prochains périples !

J’étais peinard en train de me plaindre de la difficulté d’être en vacances au soleil, à boire des cocktails, visiter des trucs et lire des machins quand j’ai été invitée à partager cette douloureuse expérience. Vu qu’apparemment, il y a tout un tas de gens qui ont les mêmes problèmes, je me jette à l’eau.

La flotte dans laquelle je saute virtuellement, c’est celle qui baigne la Crète. Enfin, pas seulement la Crète, mais aussi un minuscule îlot tout riquiqui qu’on aurait presque pu rejoindre à la nage si la mer était plus chaude au mois de mai[1]. Cet endroit s’appelle Spinalonga et plus personne n’y vit, mais les touristes y pullulent.

Il faut dire qu’entre 1903 et 1957, l’îlot de Spinalonga a accueilli tous les lépreux de Grèce. Ça a été la dernière léproserie d’Europe. Aujourd’hui, les lieux tombent en ruine, mais des tours y sont organisés. L’occasion de découvrir les fortifications bâties par les Vénitiens au XVIe siècle et les constructions ajoutées par les Turcs à partir du XVIIIe siècle[2]. Si vous optez pour une visite guidée, on vous racontera surtout l’histoire des lépreux forcés de quitter leur famille pour ne pas mettre en danger le reste de la population de leur village. C’est bien beau, mais c’est très théorique.

Si vous voulez vous faire une idée de ce qu’impliquait le terrible diagnostic de la lèpre jusqu’au milieu du XXe siècle, il faut vous plonger dans L’île des oubliés de Victoria Hislop. L’autrice y raconte la quête d’une jeune étudiante, Alexis, venue découvrir l’histoire de la famille de sa mère, qui a grandi à Plaka, le village situé juste en face de Spinalonga, l’îlot sur lequel l’arrière-grand-mère de l’héroïne est morte. Le lecteur plonge alors dans un lieu plein de vie, où les malades ne font pas qu’attendre la mort, inéluctable jusqu’au début des années cinquante, mais où une véritable société s’est construite.

En vous plongeant dans cette histoire juste après la visite, vous aurez en tête les lieux vides et un peu tristes que vous venez de voir, et vous les imaginerez aisément grouillants de passants, malades, certes, mais bien vivants. Vous ressentirez l’immense douleur de Giorgis, l’arrière-grand-père d’Alexis, séparé de son amour par quelques centaines de mètres de mer et par l’immensité de la maladie. Vous visualiserez les villageois, terrifiés par la proximité des porteurs d’une maladie considérée comme un fléau divin. Vous pleurerez peut-être face au destin tellement cruel qui frappe cette famille qui d’une certaine façon ressemble tellement à la vôtre. Et vous vous réjouirez de la découverte d’un antibiotique qui permet de soigner les malades et de fermer enfin cette léproserie, une prison qui n’en porte pas le nom. Et vous comprendrez pourquoi certains craignaient tant de quitter cet îlot de sécurité, loin du regard des gens sains. L’île des oubliés, c’est un roman historique, un roman d’amour, une quête, mais aussi un cri déchirant contre l’exclusion.

Et si vous aimez visiter des lieux et lire des livres qui s’y déroulent, j’en profite pour vous recommander en passant Le dernier gardien d’Ellis Island de Gaëlle Josse. Mais pour ça, il faut faire un détour par New York. Si vous n’avez pas les moyens pour la Grande Pomme, lisez en savourant un Bronx : Gin, vermouth doux, vermouth sec et jus d’orange. J’ai testé sur le transat en Crète, en dévorant les aventures d’Alexis et de sa famille, et ça s’est plutôt bien passé.

[1] En vrai, on a quand même navigué 25 bonnes minutes sur un bateau à moteur, la nage n’est peut-être pas conseillée, sauf pour les spécialistes d’underwater hockey.

[2] Note de service : je n’utilise les chiffres romains que pour vous obliger à vous concentrer un peu.

#HNTBUGBDN: Oui bah va à la librairie, qu'est-ce que tu veux que je te dise !!!!

Mouchi <3